Motivation des collaborateurs = comment éviter l’effet « COBRA » ?

Ne tombez pas dans l’effet COBRA !

Publié le par la rédaction des Éditions Tissot dans Management.

Au quotidien, vous prenez des décisions pour vos équipes. Certaines portent leurs fruits exactement comme vous le souhaitiez, mais d’autres obtiennent exactement l’effet contraire à celui que vous recherchiez. Bienvenue à l’effet COBRA… Obtenir l’inverse de ce que l’on souhaitait est le trait caractéristique de ce mécanisme. Voyons comment l’éviter…

L’effet COBRA, alors c’est quoi ?

L’effet COBRA provient d’une histoire dont nous ne savons pas l’exactitude. La ville de Delhi se trouvait à l’époque de l’Inde coloniale infestée de cobras. Les autorités publiques décidèrent la mise en place d’une mesure ciblant leur réduction drastique au sein de la ville, en récompensant les chasseurs de cobras par le versement d’une prime généreuse. Le résultat fut spectaculaire : les cobras furent quasiment éliminés en peu de temps. Mais une autre conséquence est apparue. La réduction considérable de cobras dans la nature réduisait l’espoir des chasseurs d’en capturer de nouveaux et par-delà, de bénéficier d’une prime. C’est à partir de ce moment que « l’effet Cobra » se produisit. Les chasseurs se sont mis à élever des cobras qu’ils finissaient par abattre en vue d’obtenir la prime promise par les autorités ! Les autorités supprimèrent alors la prime, conduisant les ex-chasseurs à relâcher les cobras « élevés », devenus sans valeur. Finalement, le nombre de cobras présents dans la ville se révéla plus important à la suite de l’abandon de la prime qu’il ne l’était avant la prise de mesure. Le programme d’éradication des cobras par le versement incitatif d’une prime a donc obtenu des résultats contraires à ceux initialement prévus.

Nos effets COBRA

Bon nombre des décisions que l’on prend peuvent se retrouver dans l’effet COBRA. Par exemple, voyant que certaines gammes de produits sont insuffisamment vendues, on incite les commerciaux avec une prime ciblée en fonction d’un chiffre d’affaires atteint dans cette gamme. Conséquence, il y a bien une augmentation des ventes, mais aussi le risque d’une baisse de vente des autres gammes de produits. De plus, il faut davantage stocker ces références avec le risque, une fois le chiffre d’affaires atteint et la prime supprimée, de créer un stock d’invendus. Autre exemple. Vous souhaitez que vos collaborateurs fassent attention à leurs outils de travail. Vous décidez de leur verser une prime pour leur permettre de renouveler leur matériel cassé ou perdu. En effet, vous constatez quelque temps plus tard moins de casse et de perte, mais des outils abîmés ou de qualité moins performante, car les collaborateurs n’utiliseront peut-être pas toute la prime pour renouveler leur matériel !

L’importance des conséquences

L’effet COBRA met en évidence une mauvaise anticipation de la perception des conséquences par un acteur humain. Tout dysfonctionnement matériel dont la résolution implique un être humain met en jeu ce principe. Si l’acteur obtient de son action pour résoudre le problème (ici, chasser les cobras) un bénéfice (ici une prime), il poursuivra son action. En revanche, s’il obtient un désavantage (ici, ne plus obtenir la prime), il changera son action initiale pour obtenir le bénéfice (ici, élever les cobras). La conséquence de l’action (ici, obtenir la prime) crée l’élément moteur au résultat contre-productif ! Pourtant, il aurait été possible de l’éviter. Comment ?

Renforcer l’importance du résultat intrinsèque

En fait, la prime joue le rôle d’une récompense extérieure au résultat obtenu. Le résultat immédiat à l’éradication des cobras aurait été plutôt : pouvoir laisser les enfants jouer dehors, diminuer les risques de décès, diminuer les coûts de soins dus aux hospitalisations en cas de morsures, etc. Ces résultats si positifs ont en fait été « écrasés », remplacés, par la prime. Autrement dit, on a substitué aux résultats directs de l’action demandée des résultats indirects. Grave erreur. Un management équilibré fait toujours référence aux résultats directs positifs des actions à mener par les collaborateurs. Sinon, il y a de grandes chances de créer les conditions d’actions inverses aux résultats souhaités. Cette erreur provient souvent d’une vision erronée du management sur les motivations des collaborateurs. Dans notre exemple, la municipalité de Delhi a certainement dû considérer que les habitants n’auraient pas été sensibles aux résultats directs de la chasse, et donc qu’il fallait les motiver autrement. Imaginons que cette perception eût été vraie, il leur aurait fallu redoubler d’efforts pour être convaincants et non pas tomber dans la facilité de la prime. Cela montre toute l’importance, en tant que manager, d’être performant dans la valorisation des résultats aux objectifs que vous donnez à vos collaborateurs.

auteur : Pascal Jacquin