Comment résoudre le « paradoxe de la reconnaissance » ?

De quoi inspirer les managers d’aujourd’hui ! A lire absolument….

Publié le par la rédaction des Éditions Tissot dans Risques psychosociaux.

Objet d’étude, pilier de la qualité de vie au travail, levier puissant de motivation… quand il s’agit de santé psychologique au travail, la reconnaissance est partout ! Or, la reconnaissance perçue par les salariés en France est loin d’être totalement satisfaisante : 52 % des salariés font encore état d’un besoin de reconnaissance au travail en 2021. Quand on sait que le manque de reconnaissance peut augmenter jusqu’à 1,7 fois le risque de maladie cardiovasculaire et jusqu’à 1,9 fois le risque de détresse psychologique, on comprend l’intérêt de se demander : que manque-t-il aujourd’hui pour combler le besoin de reconnaissance des salariés ?

Et si la reconnaissance au travail s’invitait en dehors des services RH ?

Les services de ressources humaines sont bien souvent les premiers saisis dans le cadre de la mise en place de pratiques de reconnaissance. On voit ainsi se multiplier les initiatives ayant pour objectif de récompenser l’investissement et les résultats obtenus par les équipes : galas, repas de fin d’année, remises de prix et autres évènements festifs. Et à raison : la gratitude est une composante essentielle de la reconnaissance. Pour autant, elle n’est pas la seule. Là où le bât de la reconnaissance blesse, c’est dans son expression quotidienne. Ainsi, un sondage récent montre que la reconnaissance est l’attente la plus souvent mise en avant (23 % des répondants) envers son supérieur hiérarchique direct. Au-delà des manifestations ponctuelles et festives, les salariés aspirent à une reconnaissance qui s’ancre davantage dans le quotidien et mobilise l’ensemble de leur équipe.

Si la reconnaissance peine à s’exprimer dans le quotidien, c’est avant tout parce que ces pratiques sont encore aujourd’hui associées à des comportements innés et naturels qui ne sont donc que très rarement l’objet de questionnements. Dire merci, bonjour, demander des nouvelles des autres, demander l’avis des personnes concernées avant de prendre une décision … cela semble pour beaucoup aller de soi. Pourtant, la reconnaissance que l’on pense exprimer n’est pas toujours celle qui est perçue par ses destinataires. En outre, il est fréquent de constater, dans les entreprises, un décalage entre la reconnaissance exprimée par les uns et la reconnaissance perçue par les autres. C’est dans son aspect systématique et régulier que la reconnaissance revêt le plus de valeur. Une reconnaissance systématique qui ne vient pas sans effort et sans entraînement, mais dont peut se saisir l’ensemble des acteurs de l’entreprise.

Trois leviers de la reconnaissance quotidienne

1/ Intégrer la reconnaissance dans les pratiques managériales : au-delà des événements occasionnels, la reconnaissance doit devenir une pratique de management qui s’exprime dans le quotidien. Nombreuses sont les personnes qui estiment aujourd’hui que la reconnaissance fait partie des compétences innées du manager. Pour autant, il apparaît aujourd’hui nécessaire de sensibiliser le management à l’importance de professionnaliser et de systématiser les pratiques de reconnaissance. Cela passe notamment par une reconnaissance dite intégrative, qui s’exprime au travers :

  • de l’écoute et de la prise en compte des attentes, besoins et difficultés des salariés pour mettre en place des actions correctives adaptées ;
  • de la confiance que le management place dans son équipe et qui passe notamment via l’autonomie et la marge de manœuvre laissées aux individus ;
  • des feedbacks réguliers que donnent les managers concernant le travail de l’équipe, son utilité sociale, économique et organisationnelle, ainsi que les éventuels axes d’amélioration.

2/ Pratiquer la gratitude et la considération : au-delà de l’intégration des salariés, la reconnaissance constitue également un jugement posé sur la contribution de la personne, autant en termes de pratique de travail que d’investissement et de résultats. Elle doit donc être orientée vers une expression régulière de gratitude (remerciements, félicitations, compliments) qui peut émaner de la hiérarchie ou de tous les membres de l’équipe.

3/S’entraîner à la bienveillance et à la conscience de ses réussites : la reconnaissance est aussi celle que l’on se porte à soi. C’est même sur ce point que nous avons le plus de marge de manœuvre. Alors entraînons notre cerveau ! Tous les soirs, on prend la peine de noter dans un carnet nos réussites du jour (les petites comme les grandes). En cas de difficultés, on se force à penser à ce qu’on fait de bien, ou aux contraintes externes que la culpabilité nous fait parfois oublier !

En résumé, il semble que le paradoxe de la reconnaissance soit lié à une représentation naturelle et évidente de la reconnaissance quotidienne. Or cette forme de reconnaissance demande une prise de conscience, une réflexion sur ses comportements qui peut être mise en place à tous les niveaux de l’entreprise.


Références
Sondage réalisé par Viavoice pour La Mutuelle Familiale, avec BloomTime et franceinfo, auprès d’un échantillon de 1 000 personnes, représentatif de la population salariée résidant en France métropolitaine, âgée de 18 ans et plus. Les interviews ont été réalisées en ligne du 7 au 10 juin 2021
De Vogli, R., Ferrie, J. E., Chandola, T., Kivimäki, M., & Marmot, M. G. (2007). Unfairness and health: evidence from the Whitehall II Study. Journal of Epidemiology & Community Health, 61(6), 513-518
Enquête réalisée par l’IFOP pour SIACI SAINT HONORE et Wittyfit, du 17 au 22 novembre 2020, sur un échantillon représentatif de +1000 salariés français
Brun, J-P. (2012). La reconnaissance au travail : de la gratitude à l’intégration. CRHA
Gernet, I. & Dejours, C. (2009). Évaluation du travail et reconnaissance. Nouvelle revue de psychosociologie, 8, 27-36

auteur : Nolwenn Anier

Docteure en psychologie – Consultante R&D